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Ils passent à la semaine de 4 jours

par Charlotte de Saintignon le 05 avril 2022

Deux chefs d’entreprise racontent pourquoi et comment ils ont fait leur révolution du temps de travail

MANAGEMENT

Pour Jean-Philippe Baillaud, cela ne fait aucun doute. «Si on s’organise bien, on peut réussir à faire en 4 jours ce que l’on fait habituellement en 5, estime le dirigeant de la société de conseil et de formation Systèmes b., implantée à Carcassonne. Mieux vaut travailler 4 jours de façon efficace que 5 en dilettante.» Bien des dirigeants se posent la question. Et pour cause: la semaine de travail sur 4 jours participe au bien-être des salariés et elle séduit de plus en plus d’entreprises. Offrir une journée par semaine à ses collaborateurs pour qu’ils bénéficient d’un meilleur équilibre de vie.
L’idée de Jean-Philippe Baillaud est de ne pas avoir de grosses semaines «trop fatigantes, voire usantes» et de garder des consultants et des formateurs efficaces devant les clients. Fort de ce constat, le chef d’entreprise a mis en place il y a plus d’un an la semaine de 4 jours pour ses deux salariés suite à une décision prise de manière collective au sein de l’entreprise.
À la clé, l’augmentation de la productivité des salariés et une meilleure qualité de vie au travail. «C’est un cercle vertueux. L’équilibre des salariés qui font l’entreprise participe à sa rentabilité», juge le chef d’entreprise. Il a néanmoins pris soin de calculer l’impact financier au préalable pour garantir la stabilité et la croissance de la société. Autre vertu, mettre sur la table les tâches de chaque collaborateur a montré que certaines étaient transversales. Résultat, les salariés travaillent mieux ensemble.

Choisir librement

« Cela a renforcé la cohésion », assure de son côté Chrystèle Gimaret, présidente fondatrice d’Ekoklean, société de nettoyage écologique durable (72 salariés) qui a mis en place la semaine de 4 jours pour ses équipes administratives en France et au Canada. Soit 12 personnes en tout. En termes d’organisation, les salariés travaillent 32 heures par semaine sur 4 jours avec des pauses déjeuner réduites. Les dirigeants ont laissé leurs salariés choisir librement leur jour non travaillé. «La plupart ont pris le vendredi pour avoir de longs week-ends tandis que d’autres, jeunes mamans, ont préféré le mercredi», détaille Chrystèle Gimaret.

Chez Systèmes b, une salariée navigue entre les différents jours de la semaine en fonction de ses besoins et de ses envies. « Le métronome n’est pas fixé de manière formelle et définitive et chacun gère son organisation », commente Jean-Philippe Baillaud. La seule condition est de conserver des jours dans la semaine pour que l’équipe puisse travailler ensemble.

Au sein d’Ekoklean, Chrystèle Gimaret, maman solo, avait pris l’habitude de déserter le bureau le vendredi. «Ne me voyant pas au bureau ce jour-là, l’équipe administrative m’a demandé de pouvoir faire la même chose», raconte-t-elle.

Ce qui s’est d’abord fait en pointillé s’est progressivement formalisé depuis un peu plus d’un an dans l’entreprise et a été étendu à l’ensemble de l’équipe administrative. Mais l’organisation ne s’est pas faite sans heurts. «Cela a été compliqué et a pris un certain temps, explique Jean-Philippe Baillaud. On a expliqué à nos clients qui ont dû s’habituer à ce nouveau mode de fonctionnement. C’est une dynamique globale qui ne peut se faire seulement en interne. Si on ne réduit pas la semaine à 4 jours, les agendas se remplissent mécaniquement. >>
Après quelques balbutiements et impairs en termes de planning – un client qui s’est cassé le nez devant l’entreprise fermée et une demande urgente non traitée – l’organisation du côté d’Ekoklean s’est également mise en place progressivement. «Comme lors que nous sommes passés de 39 à 35 heures, cela ne peut pas se faire en une semaine, assure la chef d’entreprise. On a éduqué nos clients au fait qu’il ne se passait rien administrativement le vendredi.» Même constat du côté des salariés qui ont dû organiser leur travail pour être libéré un jour par semaine.

Prise de risque

Chrystele Gimaret pointe les difficultés de l’exercice. « Il faut, souligne-t-elle, les accompagner pour qu’ils soient le plus efficaces et productifs possible le reste de la semaine. Il y a eu un temps de latence pour leur apprendre à prioriser leurs tâches, la charge de travail et les missions restant les mêmes. » Pour s’assurer de leur déconnexion, la chef d’entreprise les teste régulièrement en leur envoyant un courriel le jour où ils ne travaillent pas pour s’assurer qu’ils ne l’ouvrent pas. « Ce qui n’est pas traité le vendredi peut l’être le lundi matin», constate celle qui gère les éventuels imprévus ce jour-là.

Sur le papier, rien ne change, les contrats de travail des deux entreprises sont restés aux 35 heures et n’ont pas été modifiés. «Les éléments clés pour que cela marche sont l’autonomie et la confiance», constate Jean-Philippe Baillaud. « Je n’aimerais pas que l’on légifère sur le sujet, justifie Chrystèle Gimaret. La législation du travail est déjà très lourde et cela deviendrait une contrainte et non un bonus. >>
Jean-Philippe Baillaud abonde lui aussi dans le même sens pour garder la souplesse de cette nouvelle organisation et laisser la possibilité aux collaborateurs de travailler le cinquième jour en plus pendant les semaines plus chargées. Même si le chef d’entreprise n’exclut pas de s’organiser de manière plus légale dans les années à venir lorsque l’entre prise grandira. «En attendant il y a une prise de risque pendant cette période transitoire, car on transgresse la règle », reconnaît-il.
Juridiquement, le salarié qui est sous la responsabilité de l’entre prise sur ses heures de travail classiques, l’est aussi le jour où il ne travaille pas. En termes de rémunération aussi, rien ne change, les collaborateurs ayant conservé les mêmes niveaux de salaires. «Tout le monde, conclut Chrystèle Gimaret, est ravi d’avoir un jour pour souffler sans que cela réduise son salaire. »